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samedi 14 novembre 2015

Suite aux attentats de Paris, Monseigneur Dagens a célèbré une messe le lundi 16 novembre à la cathédrale d'Angoulême

Mgr Dagens entouré
de monsieur Bouazza responsable de la communauté musulmane
et de monsieur Benguigui président de la communauté juive


Les attentats meurtriers de Paris constituent un très grand choc pour la nation française et pour le monde. Dans cette épreuve, la solidarité entre tous les citoyens est indispensable. Les croyants en Dieu participent à cette solidarité.

C’est dans cette intention que Mgr DAGENS a célèbré une messe à la cathédrale d’Angoulême le lundi 16 novembre à 19h, afin de prier pour les victimes, pour tout le personnel civil et militaire chargé de maintenir l’ordre et d’assurer la sécurité du pays, et aussi pour refuser les tentations de la peur et de la haine.

Homélie de monseigneur Dagens :


Nous sommes rassemblés ce soir parce que nous voulons faire face au terrorisme, et à la logique perverse du terrorisme. C’est une logique de mort, ou plutôt une logique nihiliste, qui se donne le droit d’aller au-delà du bien et du mal, au-delà de la vie et de la mort. C’est une logique destructrice, dévastatrice, qui vient de tuer des hommes et des femmes qui pratiquaient la simple joie d’être ensemble, à la terrasse d’un café, dans une salle de spectacle ou dans un stade.

Mais comment résister à cette logique destructrice ? Comment y faire face d’une façon durable ? Je voudrais répondre à des questions graves avec ma raison et mon cœur, en faisant appel à ce qu’il y a de meilleur en nous tous.

Oui, nous avons des raisons d’avoir peur, surtout si ces violents se cachent parmi nous et se préparent avec beaucoup de soin à mettre encore en œuvre leur violence destructrice.

Mais nous avons aussi des raisons d’avoir peur pour une autre raison : c’est que ces violents savent bien que notre société est fragile, qu’elle doute d’elle-même, qu’elle manque de repères et surtout de raisons de vivre et d’espérer.

Et le plus terrible, c’est que ces violents semblent rêver de détruire notre société en lui imposant leur propre loi de mort et de haine.

Nous sommes tous alors confrontés à une épreuve de vérité. C’est l’heure non pas de clamer des slogans de circonstances, mais d’être fidèles à notre tradition française, républicaine : celle qui porte en son cœur la liberté de penser, la pratique de l’égalité qui fait de chacun de nous une personne unique et digne d’un respect infini, et aussi la fraternité qui est si difficile et si nécessaire.

Mais il ne suffit pas de se référer à ces valeurs indiscutables. Il y a plus : il y a en nous le risque de s’opposer aux violents en les imitant, c’est-à-dire en cédant aux tentations de la haine, au rejet et à l’exclusion de ceux et celles qui seraient différents de nous, et à cette illusion terrible qui voudrait que tout pouvoir humain en ce monde soit un pouvoir de domination.

Et c’est pourquoi j’ai choisi, dans l’Évangile, le récit de ce que l’on appelle « la tentation au désert », c’est-à-dire cette opposition frontale entre le Prince du Mensonge, l’Adversaire et Jésus. L’Adversaire est rusé. Il cherche à pervertir l’Envoyé de Dieu. Qu’il s’impose au monde en mettant en œuvre une logique de domination ! Qu’il change les pierres en pain pour plaire au peuple ! Qu’il se mette au-dessus des lois de la vie et de la mort, en devenant une sorte de magicien supérieur ! Qu’il accepte d’être l’Empereur du monde, le Dictateur suprême !

Tout, dans chacune de ces tentations, obéit à la logique de l’idolâtrie ! Tout aboutit au mépris et à la négation de notre humanité commune ! Tout ce que suggère l’Adversaire est un travestissement du divin et de Dieu ! Comme si Celui que nous appelons Dieu venait nous écraser et nous manipuler par tous les moyens du monde.

La riposte de Jésus est beaucoup plus radicale : c’est notre humanité commune qui est en cause. Elle doit apprendre à refuser tout ce qui l’asservit. Elle ne se soumet pas aux ordres des puissants, et encore moins des violents. Elle refuse d’être manipulée. Et Dieu lui-même est avec elle dans ce combat de vérité et de justice.

« Elle est proche, ma justice. Il sort, mon salut, et mes bras vont juger les peuples ; les îles mettront leur espérance en moi et seront dans l’attente de mon bras. » Le Dieu d’Abraham est le Dieu qui ne désespère jamais de notre humanité. Grâce à Lui, nous ne pouvons pas nous considérer comme des vaincus. Nous pouvons faire appel à ce qui, en nous-mêmes, résiste aux illusions, aux mensonges, aux tentations violentes, aux logiques de mort.

Même et surtout si nous sommes désarmés, c’est l’heure de nous encourager à vivre, à refuser la peur et la haine, et à nous appuyer les uns sur les autres pour faire face à l’épreuve, avec ténacité, avec courage, avec persévérance.