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dimanche 20 janvier 2019

Homélie du Père Maurice Fourmond sur l'Evangile des noces de Cana


La première chose qui frappe c’est que le premier signe public du message de Jésus rappelé par l’évangéliste est une fête. C’est au cours de la fête d’un mariage et pour que celle-ci ne soit pas gâchée par un manque de vin qu’il est dit que Jésus « manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui ». C’est par une fête que commence la vie publique de Jésus selon l’évangéliste.
La seconde chose qui frappe c’est que cette manifestation s’est produite à la demande de la mère de Jésus. Nous aurions ainsi deux réflexions pour alimenter notre méditation.

D’abord l’attitude de Marie. Quatre aspects se découvrent. D’abord l’attention de Marie. Elle est attentive à ce qui se passe, à la joie des nouveaux mariés, à l’ambiance de fête, à la peine et la honte qui résulterait si la fête s’arrêtait faute de vin. Cette attitude de Marie nous invite à réfléchir à la façon dont nous regardons ce qui se passe autour de nous. Sommes-nous enfermés dans notre ego, indifférents à ce qui se vit autour de nous ou au contraire savons-nous regarder les gens comme des enfants de Dieu, comme nos frères et soeurs, savons-nous être attentifs à leurs joies et à leurs peines ? Nous savons que Jésus était particulièrement attentif à voir ce qui se passait autour de lui comme l’exemple de cette pauvre veuve qui apportait dans le trésor du Temple tout ce qu’elle avait pour vivre ; Jésus, lui, l’avait bien remarqué et il va en faire l’éloge : «  Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre » (Mc 12 43-44). 

Autre attitude de Marie, son audace. Les femmes n’avaient pas tellement le droit d’intervenir auprès des hommes à table et pourtant Marie va trouver son fils et lui dit tout simplement « Ils n’ont pas de vin ». Avons-nous l’audace suffisante pour nous adresser à Dieu en toute simplicité, sûrs que d’une manière ou d’une autre, Dieu va répondre à notre prière.

Autre attitude de Marie, sans se laisser influencer par la réponse apparemment déconcertante de Jésus, certaine de la bonté de son fils, Marie va demander aux serviteurs de faire ce que Jésus leur demandera même si cela leur parait déraisonnable : «  Tout ce qu’il vous dira, faites-le ». Entendons cette invitation de Marie : faites tout ce que l’Esprit saint, l’Esprit de Jésus nous invite à faire, même si ce que nous pressentons dans notre esprit et notre coeur nous parait difficile, voire impossible car, comme l’avait dit l’ange à Marie « Rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1, 37).

Enfin Marie disparait de la scène. C’est cette discrétion, cette humilité qui doit habiter tous les disciples de Jésus. Comme le disait Jean-Baptiste : « Il faut qu’il croisse et que je diminue ». Le rôle d’un baptisé est d’être témoin de l’évangile, puis ensuite se retirer pour laisser l’Esprit Saint travailler le coeur de celui qui a découvert le Dieu de Jésus Christ et laisser celui-ci vivre sa rencontre avec le Seigneur.

Notre évangile nous suggère un autres aspect pour notre méditation : la vie publique de Jésus selon Jean commence par une fête. Nous avons parfois le sentiment que vivre selon notre foi est triste : il n’est souvent question que de péché, de pénitence, d’abaissement. Nous oublions que Dieu ne veut que notre bonheur, que  notre relation avec lui est une fête même si nous avons conscience de nos faiblesses. N’est-ce pas ce que nous révèle la parabole bien connue du fils prodigue puisque au-delà de la faute de cet enfant aimé, le père organise une fête pour célébrer son retour. Nous avons souvent le sentiment que Dieu est un Dieu sévère plus attentif à nos manques qu’à nos générosités. 

Or c’est exactement le contraire que la vie de Jésus nous permet de découvrir. Les amis de Jésus n’étaient pas des parfaits, ils l’ont tous abandonné au moment de son arrestation et Pierre l’a renié dans la cour du grand prêtre. Mais l’amour de Jésus ne s’est pas démenti jusqu’à donner sa vie pour ses amis ; il l’avait d’ailleurs affirmé : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13). Notre relation avec le Dieu de Jésus devrait être la rencontre heureuse d’une fille, d’un fils bien aimé par Dieu. Toute rencontre avec Dieu devrait être une joie, une fête. Ce n’est pas sans raison si Jésus a voulu faire une fête avant son arrestation, cette fête que nous vivons à chaque fois que nous nous rassemblons pour célébrer l’eucharistie. L’eucharistie devrait être une fête joyeuse même si devant la tendresse de Dieu, nous prenons conscience combien notre amour est faible.

Alors vivons la messe avec joie : la pain de la parole, le pain et le vin de la présence du Christ ne nous manquera pas. Cette nourriture qu’est la vie même de Jésus peut remplir notre vie même difficile d’une véritable joie.