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vendredi 24 juillet 2015

Le pape François, un pape qui dérange



Le pape dérange. Lorsqu’il se contentait de critiquer les comportements de la Curie, les catholiques l’applaudissaient. Mais quand, dans l’encyclique "Laudato si", comme lors de son déplacement en Amérique latine, il dénonce une « économie qui tue » et un système qui « continue de nier à des milliers de millions de frères les droits économiques, sociaux et culturels les plus élémentaires », il commence à faire, ici ou là, grincer des dents.

Il va trop loin, murmure-t-on dans certains milieux, notamment aux États-Unis, où on le surnomme d’un condescendant « pape de la Pampa ». Attaque trop facile, qui voudrait un peu vite attribuer tout ce que ce discours a de fort aux racines du pape. En bref, ce pape resterait trop marqué par son Amérique latine d’origine : ce qui est peut-être bon pour ce sous-continent ne saurait s’appliquer en Occident, disent-ils, où la réalité serait plus complexe, et les inégalités sociales moins criantes.

François, comme il l’a bien dit lui-même, ne sort pas de la doctrine sociale de l’Église la plus classique. Voilà longtemps que celle-ci dénonce un libéralisme qui s’autorégulerait, et affirme qu’il y a, au-dessus de la propriété privée, le droit à une juste attribution des biens universels, et à la dignité de chaque homme. Mais il est vrai que son expérience pastorale dans l’une des mégalopoles les plus injustes du monde donne à ce discours une force particulière. Surtout, ce pape venu du Sud martèle avec raison que le monde est devenu global : « L’interdépendance planétaire requiert des réponses globales aux problèmes locaux », a-t-il déclaré en Bolivie. L’Europe n’est pas plus à l’abri des drames du monde que les autres, comme la tragédie des migrants le rappelle chaque jour.

Dans cette critique, le pape François reconnaît que l’Église n’a pas le monopole de la vérité. Il répète aussi qu’il ne s’agit pas d’avoir un discours idéologique, mais de partir de la condition réelle des hommes et des femmes, dont l’Église du Christ ne saurait s’extraire. Au fond, dans un monde où l’économie peut asservir des hommes et défigurer la planète, demander une conversion radicale n’est pas une utopie. C’est juste faire preuve de réalisme.

Isabelle de Gaulmyn

Source : Journal "La Croix" du 24 juillet 2015