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Notre fraternité est composée de 25 personnes : 18 laïcs et 4 prêtres, Trinitaires de Béthanie ou membres associés et 3 Religieuses Trinitaires de Valence. Fondée en 2010, les membres de la fraternité ont vocation à assurer une présence priante et aimante là où ils vivent. La fraternité est aujourd'hui présente dans le diocèse d'Angoulême et en Champagne/Ardennes.

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dimanche 15 février 2015

La lectio divina ?


La lectio divina - Introduction

La lectio divina reprend à son compte les principes de base pour la lecture de l’Écriture élaborés déjà au sein du judaïsme, et qui sont ensuite passés dans la tradition chrétienne. La lectio divina est une façon de lire l’Écriture qui, se produisant dans la foi, dans la prière, dans l’ouverture à l’Esprit, devient écoute de la Parole de Dieu qui, au travers de la page biblique, s’adresse «à nous aujourd’hui». 

Consacre-toi à la lectio des divines Écritures ; applique-toi à cela avec persévérance. Engage-toi dans la lectio avec l'intention de croire et de plaire à Dieu. Si durant la lectio tu te trouves devant une porte close, frappe, et le gardien t'ouvrira, lui dont Jésus a dit : ‘Le gardien la lui ouvrira’. En t'appliquant ainsi à la lectio divina, cherche avec loyauté et une confiance inébranlable en Dieu le sens des Écritures divines, qui est largement contenu dans celles-ci. Tu ne dois cependant pas te contenter de frapper et de chercher : pour comprendre les choses de Dieu, tu as absolument besoin de l'oratio. Précisément pour nous exhorter à celle-ci, le Sauveur nous a non seulement dit : “Cherchez et vous trouverez” et “Frappez et on vous ouvrira”, mais il a ajouté : “Demandez et vous recevrez”» (Ep. Gr. 4).



 Cette lecture/écoute réalise un approfondissement des niveaux de sens du texte biblique analogue au schéma des quatre sens de l’Écriture que connaissent tant le judaïsme que le christianisme. La doctrine chrétienne des quatre sens de l’Écriture, diffuse dans l’exégèse médiévale, parle de sens littéral (qui concerne la signification historique du texte), allégorique ou spirituel (qui analyse la portée kérygmatique du texte), tropologique ou moral (qui implique l’existence du croyant), anagogique (qui regarde le plan contemplatif et eschatologique).

Ces quatre niveaux de sens correspondent en substance aux approfondissements que la lectio divina propose de faire au lecteur de l’Écriture, en le guidant du niveau historico-littéral (lectio) à son approfondissement révélateur et théologique qui fait émerger un message central (meditatio) auquel on répond par la prière et l’engagement dans la vie (oratio), jusqu’à donner à l’existence tout entière de partager le regard de Dieu sur les réalités humaines
(contemplatio).

S'y préparer



Pour la lectio divina, il faut avant tout un lieu de solitude et de silence. Il s’agit de chercher et d’écouter Dieu «qui est dans le secret» (Mt 6,6). Pour se disposer à écouter la Parole, il est nécessaire de faire taire les nombreuses paroles et les bruits qui assourdissent le cœur, il faut entrer dans la dimension essentielle du silence et de la solitude, en prenant de la distance par rapport aux nombreuses présences qui nous prennent d’assaut journellement. Une parole autorisée ne peut naître que du silence, d’une longue écoute, de la capacité de méditer et de penser, de réfléchir et de pondérer.

Pour s’aider à entrer dans la lectio divina, on peut recourir à une icône, à une bougie allumée. Il est certainement essentiel d’impliquer le corps dans la rencontre avec le Seigneur à laquelle on se prépare : la lectio divina n’est pas purement intellectuelle, mais elle doit concerner toute la personne, tout le corps. Il est bon aussi de consacrer à la lectio divina un moment fixe de la journée, un temps auquel on reste fidèle, et non des moments perdus, grappillés entre les nombreuses activités. Le temps convenant au sérieux qui doit caractériser la lectio divina est une heure ; mais c’est bien davantage la persévérance, l’assiduité quotidienne, qui produit des fruits, au-delà d’une mesure de temps qui dépend par ailleurs toujours du status et des activités de celui qui s’applique à la lectio divina.

On se prépare à la lectio divina par le silence, par l’exode de soi-même, mais aussi par la prière. Et avant tout par l’épiclèse, par l’invocation du Saint-Esprit qui peut ouvrir les oreilles de notre cœur pour nous donner l’intelligence de la Parole. Puis, après la prière à l’Esprit, on peut être aidé à entrer dans le climat d’écoute et de dialogue amoureux avec le Seigneur qui parle au travers de la page biblique par la lecture d’une strophe du psaume de l’écoute (Ps 119 [118]), véritable duo d’amour assimilable au Cantique des Cantiques. On entre ainsi toujours davantage dans la lectio divina comme lieu sacramentel de l’expérience de l’amour de Dieu. Alors peut commencer l’itinéraire de la lectio divina à travers le texte biblique.

- Lire



L’acte initial de la lectio divina est un acte de lecture. Comment choisir les textes à lire ? Soit on choisit un livre et on en fait une lecture continue (en lisant une péricope après l’autre, jour après jour), soit on fait la lectio divina sur les textes (ou sur un seul des textes) de la liturgie du jour. Dans le premier cas, l’enrichissement est constitué par le fait de pouvoir entrer en profondeur dans un livre biblique en le saisissant, dans son ensemble, tandis que, dans le second cas, il est donné par l’intégration réciproque de la prière personnelle et de la prière liturgique.
Face au texte, il faut donc commencer par lire. Que l’on lise le texte plusieurs fois, jusqu’à quatre ou cinq fois. S’il s’agit d’un texte déjà connu, le risque est grand de lire de façon superficielle, de ne pas s’arrêter sur le texte et d’en perdre ainsi la richesse. Il peut alors être utile d’écrire le texte en le recopiant. Cela oblige à faire un effort de concentration considérable et capable souvent de faire émerger des dimensions et des aspects du texte dont on ne s’était encore jamais aperçu. Ceux qui connaissent les langues anciennes, l’hébreu et le grec, peuvent lire la Bible dans le texte original, en puisant dans cette immense richesse qui est inévitablement estompée ou même masquée par toute traduction. Dans tous les cas, une bonne traduction, ou une traduction confrontée à d’autres, satisfera la nécessité de partir d’une base solide. Il peut être utile, du point de vue spirituel, d’utiliser certains instruments : les concordances font partie de ceux qui sont fondamentaux ou, si on lit un évangile, la synopse.
Si l’on fait la lectio divina dans sa chambre, dans la plus parfaite solitude, qu’on lise à haute voix, de manière à écouter physiquement ce qui est lu : l’écoute est déjà prière, elle est déjà accueil en soi de la parole et donc de la présence de Celui qui parle.

- Méditer



La méditation ne doit pas être entendue dans le sens d’une méditation introspective de type ignatien ou comme une auto-analyse psychologisante. Elle est par contre un approfondissement du sens du texte lu ; dans cette opération d’approfondissement peuvent intervenir des instruments d’étude, de consultation, donc des dictionnaires bibliques, des commentaires, etc. On pourra aussi se référer aux notes de bas de page (présentes dans les «grosses Bibles») et aux références mentionnées en marge du texte.

Certes, la lectio divina ne doit pas être confondue avec l’étude d’un texte biblique ; cela dit, l’étude peut et doit trouver sa place dans la lectio divina. Il s’agit en effet de dépasser l’altérité du texte, la distance qui nous sépare de ces textes écrits il y a longtemps dans des langues et des contextes culturels extrêmement différents des nôtres. Il faut prendre au sérieux cette altérité du texte pour ne pas risquer de tomber dans le subjectivisme et pour ne pas faire dire au texte ce que celui-ci n’a jamais voulu dire. Dans la meditatio, on doit tendre à faire émerger la pointe théologique du texte, son message central, ou à tout le moins son aspect marquant. Ainsi commence le dialogue entre la personne et le texte, l’interaction entre la vie du lecteur et le message du texte. C’est à ce moment que, de façon naturelle, naît la prière.

- Prier



Le mouvement de dialogue qui s’instaure entre le lecteur et le texte devient un échange priant où le croyant s’adresse à Dieu en lui disant «tu». À ce stade, c’est évident, il n’y a pas d’indication précise à donner, si ce n’est l’exhortation à se rendre docile à l’Esprit et à la Parole écoutée.
Cette Parole façonne en effet la prière en l’orientant dans le sens de l’intercession ou de l’action de grâce ou de la supplication ou de l’invocation. Il peut arriver que la prière s’exprime simplement par un silence d’adoration, voire qu’elle se manifeste comme le don joyeux des larmes de componction.
Mais il est nécessaire de rappeler aussi que la lectio divina reste parfois dans l’aridité du désert : le texte résiste à nos efforts de compréhension, la Parole reste muette, et notre prière ne jaillit pas davantage. Dans une relation authentique, cela peut aussi se produire, ces moments existent, et la relation avec le Seigneur n’en est pas exempte. Le Seigneur nous appelle à sortir dans le désert pour le rencontrer, et parfois le désert ne devient pas lieu de rencontre, mais bien plutôt espace aride et épuisant. Pourtant, même alors, il faut persévérer, tenir, offrir son corps sans voix dans une prière muette. Le Seigneur sait discerner même le désir de la prière.
L’efficacité de l’assiduité avec la Parole de Dieu dans la lectio divina, quoi qu’il en soit, se mesure sur le long terme. L’exercice de l’écoute crée dans le croyant un espace pour accueillir le Seigneur, et la parole accueillie régénère le croyant pour faire de lui un enfant de Dieu (cf. Jean 1,12) : elle le rend capable de contemplation.

- Contempler




La contemplation est alors le dernier «degré» de cette échelle idéale. Le croyant se sent visité par la Présence de Dieu et il connaît la «joie indicible» (1 P 1,8) de cette inhabitation. La contemplation ne désigne pas un état d’extase et elle ne fait allusion à aucune «vision», mais elle indique la conformation progressive du regard de l’homme à celui de Dieu. Elle indique ainsi l’acquisition d’un esprit de reconnaissance et de compassion, de discernement, de patience et de paix. Comme la Parole tend vers l’Eucharistie, de même la lectio divina façonne progressivement un homme eucharistique, capable de gratitude et de gratuité, de discernement de la présence du Seigneur dans l’autre et dans les différentes situations de l’existence. Cet homme sera aussi un homme de charité, capable d’agapé. En un mot, la lectio divina débouche sur la vie : elle manifeste sa fécondité dans la vie d’un homme.

La lectio divina dessine de cette façon une parabole de la prière à la prière : elle avait commencé par l’invocation de l’Esprit, elle aboutit maintenant à la contemplation, la reconnaissance, la louange. La lectio divina tend à l’eucharistie.


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Cette méditation a été composée
à partir de l'article d'Enzo Bianchi :
"La lectio divina - Fondements et pratiques",
extrait du Sources Vives n°113 :
Prier la Bible (épuisé)