Dans le
diocèse d’Angoulême, la réflexion sur la famille se poursuit, dans la
perspective du Synode qui se tiendra à Rome, en octobre.
Samedi, une rencontre a permis des échanges, simples et confiants, entre des
catholiques de divers horizons. Pour beaucoup, il s’agissait d’une première.
« Je
suis surpris par la qualité des échanges, le respect mutuel qui dépassionne les
débats, confiait Jahnny, un jeune homosexuel lors de la rencontre
organisée samedi par la pastorale familiale du diocèse d’Angoulême. Quand
on se rencontre, quand on s’écoute, on se comprend mieux. » « Cette
journée est un don de Dieu », s’enthousiasmait de son côté
Arlette, mère d’un fils homosexuel. « Cette rencontre était nécessaire,
ajoutait un autre participant. Finalement, l’Église est le seul lieu où nous
pouvons aborder simplement, respectueusement ces questions sensibles qui nous
concernent tous, nous troublent, nous déstabilisent, nous font souffrir. »
Ces
propos, partagés par les 70 personnes présentes à la maison diocésaine,
définissent bien l’état d’esprit de cette journée destinée à poursuivre la
réflexion engagée autour du questionnaire sur la famille, préalable au Synode qui se déroulera à Rome du 5 au 19 octobre. « Nous avons
surtout voulu donner l’occasion à ceux qui le souhaitaient de parler de ces
sujets, d’apporter leur témoignage, d’écouter les autres dire leurs difficultés
ou leurs joies de croyants, leurs soucis et leurs espérances pour
l’évangélisation des familles », précise Jean-Michel Hitier,
responsable de la pastorale familiale.
DIVORCÉS-REMARIÉS
ET HOMOSEXUALITÉ
Cinq
ateliers étaient organisés. Dans celui consacré aux personnes divorcées, l’un
des plus fréquentés, beaucoup – comme Françoise, mariée à une personne divorcée
et longtemps « révoltée » par l’exclusion de
l’eucharistie et du sacrement de réconciliation – ont confié que ces épreuves sont aussi
« des moments de conversion et de croissance spirituelle », et
plaidé pour une réflexion des communautés sur la pratique des sacrements.
« L’eucharistie
n’est pas un droit, mais une invitation à la conversion », a rappelé
Martine Loloum, membre du bureau de la pastorale familiale et responsable de
Chemins d’Espérance 16, qui rassemble des personnes divorcées, remariées ou
non. « Pourquoi, lors de la procession de communion, seuls les divorcés remariés devraient-ils
s’approcher les bras croisés sur la poitrine, pour recevoir une bénédiction, en
restant interdits de communion », s’est de son côté interrogé Eddie
Lepreux, diacre, lors d’échanges sur le jeûne eucharistique.
L’atelier
consacré à la pastorale des personnes homosexuelles a de son côté permis à des
parents d’enfants homosexuels et à de jeunes catholiques homosexuels, membres
de groupes diocésains de parole, de témoigner, avec pudeur et sensibilité, de
leur cheminement, mais aussi de leurs inquiétudes et de leurs attentes. « On
est tous amenés à être témoins du Christ les uns pour et par les autres », constatait
Stéphane, qui préfère se définir gay plutôt qu’homosexuel. « Il est
temps que l’Église passe en première ligne, non pour fonder une pastorale
spécifique, mais pour que ces personnes puissent vivre une vie chrétienne
ordinaire et engagée et tenir leur place dans l’Église comme toute personne
baptisée », a affirmé le P. Denis Trinez, responsable de la
fraternité trinitaire d’Angoulême et accompagnateur spirituel des groupes de
parole.
FORMATIONS
ANTHROPOLOGIQUES
Lors de
l’ouverture de la rencontre, Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême, avait
rappelé la priorité pastorale du pape François, telle qu’il l’a exprimée dans
son interview aux revues jésuites : « Je vois avec clarté que la chose
dont a le plus besoin l’Église d’aujourd’hui, c’est la capacité de soigner les
blessures et de réchauffer les cœurs de fidèles. » Pour lui, deux
exigences en découlaient : « tenir avant tout compte des personnes,
avec ce que chacune a d’unique – son histoire, ses blessures, ses passions
et ses pulsions – leur ouvrir des chemins et parcourir avec elles ces chemins,
en ménageant des haltes de prière, d’écoute de la parole de Dieu, d’amitié
réciproque, de repas partagés » ; mais aussi « se doter d’une
pédagogie aussi commune que possible ». Les propositions qui ont émané
de chacun des ateliers ont, au-delà des divergences d’opinion, reflété cette
double préoccupation.
La
nécessité de mettre en place des formations, notamment anthropologiques, y
compris pour les prêtres, a été souvent évoquée, et reprise en plénière par le
P. Hugues Paulze d’Ivoy, curé doyen de La Rochefoucauld, qui y voit un
moyen de favoriser « une charité respectueuse ». L’importance
du langage, « facteur d’enfermement », a également été
soulignée à propos de mots comme « irrégulière » pour qualifier
la situation des personnes divorcées remariées, « homosexuelle » pour
définir une personne – « alors qu’on ne précise jamais : hétérosexuelle » –
ou « nullité » du mariage qui signifie que « les enfants
aussi sont nuls alors qu’ils sont bien là ! ». Enfin l’idée de « progression », de
« gradualité dans l’exigence », de « patience
nécessaire » est souvent revenue, à propos du retour des
personnes divorcées remariées à la table eucharistique, ainsi que de la
préparation au mariage et d’une formation sexuelle, affective
et humaine plus adaptées. Au final, il était bel et bien question « d’un
art de l’accompagnement » et d’apprendre « à ôter
ses sandales devant la terre sacrée de l’autre » comme y invite
le pape François.
Martine de Sauto