samedi 24 octobre 2015

Les pères synodaux ont adopté le document final : Il ouvre la voie au "discernement" pour les divorcés remariés



« les conséquences des actes ne sont pas nécessairement les mêmes dans tous les cas ».

ADOPTÉ À UNE VOIX PRÈS

Ce paragraphe sur le discernement a été adopté à seulement 178 voix, soit, à une voix près, tout juste les deux tiers pour qu’il soit validé par les 265 pères synodaux votant.
De plus, le rapport final ouvre la voie au baptême pour les catéchumènes remariés qui avaient divorcé d’un premier mariage civil (n° 75) « à une époque où au moins un des deux conjoints ne connaissait pas la foi chrétienne ». L’Église reconnaissant à ce premier mariage l’indissolubilité du mariage sacramentel entre deux baptisés, ils n’y avaient jusque-là pas accès. « Les évêques sont appelés à exercer, dans ces cas, un discernement pastoral calibré/proportionné à leur bien spirituel ». « Nous reconnaissons que l’Esprit Saint est venu les chercher là où ils étaient. Peut-on résister à l’Esprit Saint ? », explique à La Croix Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la conférence épiscopale française, qui a fortement soutenu, avec d’autres, cette proposition.

 LANGAGE RAPPELANT VATICAN II

Au-delà de cette question, qui aura été très débattue au cours de ce Synode, le document final déploie un langage non pas centré sur un rappel de la loi – l’Église ne renonce pas à annoncer la joie et la beauté du mariage – mais portant un regard compatissant sur les situations familiales, y compris irrégulières. Ce langage rappelle fortement le regard de Vatican II et notamment de Gaudium et Spes, ainsi lorsqu’il souligne que « l’Église fait siennes, dans un partage affectueux, les joies et les espérances, les douleurs et les angoisses de chaque famille ». Le texte aborde les situations des familles de migrants, séparées et éprouvées par les conflits ou encore les violences contre les femmes.
Le texte aborde l’homosexualité, mais seulement sous l’angle des familles confrontées à cette situation. Il rappelle la dignité des personnes homosexuelles, rejetant une discrimination injuste.

« DOCUMENT SUR LA FAMILLE » DEMANDÉ AU PAPE

L’ensemble des 94 paragraphes ont recueilli la majorité qualifiée nécessaire des deux-tiers, contrairement au document final de l’an dernier où 3 paragraphes ne l’avaient pas recueillie.
Les pères synodaux concluent leur texte par une demande au pape de donner à l’Église « un document sur la famille », lui laissant ainsi des marges pour préciser les conditions d’accès aux sacrements pour les divorcés remariés.
Le pape François a conclu les trois semaines de travaux de l’assemblée par un discours fort, très orienté vers la miséricorde. « Les vrais défenseurs de la doctrine ne sont pas ceux qui défendent la lettre mais l’esprit ; non les idées mais les hommes ; non les formules mais la gratuité de l’amour de Dieu et de son pardon », a-t-il déclaré. « Le premier devoir de l’Église n’est pas celui de distribuer des condamnations ou des anathèmes mais il est celui de proclamer la miséricorde de Dieu »
Devant les différences notables entre évêques et des situations des familles selon les continents, il a invité à « l’inculturation » : « L’inculturation n’affaiblit pas les vraies valeurs ».
Dans ce discours, le pape est revenu aussi sur les incidents ayant émaillé ce Synode, accusant « des méthodes parfois pas du tout bienveillantes ». Une référence implicite à la lettre rendue publique de cardinaux doutant de sa conduite des travaux.

Céline Hoyeau et Sébastien Maillard (à Rome)

Source : "La Croix" du 24 octobre


"Un texte d’équilibre, qui ouvre des portes"

Philippe Bordeyne, recteur de l’Institut catholique de Paris, qui a participé au synode comme expert nommé par le pape François, analyse le texte adopté par les représentants des épiscopats du monde entier samedi 24 octobre, à Rome.



Quels sont les traits principaux de ce texte ?

C’est un texte héritier de Vatican II. Il a une volonté d’ouverture, mais aussi de s’inscrire dans une continuité. Il rappelle les enseignements de Paul VI, de Jean-Paul II, de Benoît XVI.

En quoi réside l’ouverture ?

Un grand renouveau de la pastorale des familles. L’instrumentum laboris [le texte de départ du synode] était très négatif. Dans le nouveau texte on regarde ce qui, dans la société et dans les familles, est encourageant.
J’y trouve aussi énormément d’ouvertures théologiques. Des portes sont ouvertes un peu partout au long du texte. Il appelle la créativité des théologiens, des communautés chrétiennes, des pasteurs. On voit se déployer un texte à la fois unifié et divers. Il admet de la diversité en son sein.

La prise en compte de cette diversité interne à l’Eglise n’est-elle pas une des nouveautés de ce synode ?

Absolument. Et c’est le fruit d’une méthode. C’est un texte qui est divers car il y a des cultures diverses. Dans l’intégration des amendements, on a essayé de suivre une ligne fondamentale : tenir celle que manifestement le pape souhaite, et en même temps prendre en compte l’étendue de la diversité pour ne pas heurter. Ouvrir et faire en sorte que tout le monde s’y retrouve. C’est une voie médiane.

C’est cette ligne médiane qui a été retenue pour les divorcés remariés ?

Oui. Certains attendaient plus, d’autres moins. Par exemple un amendement demandait que l’on dise clairement qu’un chemin de conversion pouvait aboutir à l’eucharistie. On a fait le choix de ne pas le retenir.

Les changements dans l’église se font dans le respect de ce qui vient avant. Il y a une référence très nette à l’enseignement de Jean-Paul II. Il ne faut pas oublier que c’est lui qui, en 1980, dans son exhortation apostolique Familiaris consortio, fait un changement considérable en disant que les divorcés remariés sont membres à part entière de l’Eglise. Et c’est sur cela, qui a été une nouveauté, que l’on s’appuie aujourd’hui. Mais on va plus loin dans l’intégration. On s’appuie aussi sur les critères qu’il avait énoncés pour que les prêtres puissent exercer leur « discernement » en fonction des situations concrètes : ceux qui se sont « efforcés de sauver le premier mariage », « ont été abandonnés injustement », ceux qui « se sont remariés en vue de l’éducation des enfants ». Le texte s’appuie sur un socle. S’il ne l’avait pas fait, on aurait été accusés de trahir Jean Paul II. Ce n’est pas le cas.


Propos recueillis par Cécile Chambaud

Source : Le Monde du 25 octobre



Sous le signe du discernement et de la tendresse


Le Synode des évêques s’achève dans un climat d'espoir : après un premier synode en 2014 qui avait divisé l’assemblée, les participants repartiront avec le sentiment du devoir accompli, malgré la délicatesse et la complexité de la tâche qui leur avait été demandée. La commission chargée du rapport final est parvenue à élaborer un texte susceptible de satisfaire la majorité des pères du Synode. L'ensemble des 94 articles a été adopté ce samedi en fin d'après-midi avec la majorité qualifiée requise. Le document est fidèle à la doctrine mais bienveillant à l’égard de toutes les familles sans exclusion, et se situe pleinement dans l’esprit du pontificat du Pape François.

Le rapport final n’offre pas de solutions toutes faites, mais il propose des pistes de réflexion et d’action, sous le signe de l’accompagnement et du discernement pastoral, de l’accueil et de la tendresse, sans toucher à la doctrine sur l’indissolubilité du mariage. Attentif aux familles blessées ou en situation irrégulière, le texte ne manque pas de remercier chaleureusement les nombreuses familles chrétiennes qui répondent à leur vocation et mission, y compris lorsqu’elles sont confrontées à des obstacles, des incompréhensions et des souffrances. Malgré les différences et les diversités qui n’ont pas manqué de s’exprimer pendant ces trois semaines de travaux, les pères du Synode ont cheminé ensemble, soutenus par la tendresse et la prière de toute l’Église. Ils ont remis le fruit de leur travail au Saint-Père en lui demandant d’écrire un nouveau document sur la famille.

Un texte qui se penche sur la vie réelle des familles

En 94 points et une cinquantaine de pages, le rapport aborde les situations les plus diverses : les mariages mixtes, ou avec disparité de culte, la liberté religieuse, l’éducation des enfants, l’influence des médias, l’importance des écoles catholiques, la protection de la vie à toutes ses étapes, l’avortement, l’euthanasie et la peine de mort, l’adoption, la théorie du genre, la formation des prêtres, la préparation au mariage, l’importance du langage, les migrants, les chrétiens persécutés, les personnes âgées, la pauvreté et l’exclusion sociale, les conflits et les tensions sociales…..

De manière générale, l’Église est invitée à adopter une attitude « sagement différenciée ». Les pasteurs sont encouragés à identifier les éléments pouvant favoriser l’évangélisation et la croissance humaine et spirituelle de tous leurs fidèles et à déceler les éléments positifs dans les situations qui ne correspondent pas encore ou qui ne correspondent plus au message évangélique. Toutes les situations doivent être abordées de manière constructive en essayant de les transformer en opportunités de conversion vers la plénitude du mariage et de la famille à la lumière de l’Évangile.

En ce qui concerne, en particulier, la question sensible des divorcés-remariés, le rapport propose une voie de sortie, celle du « for interne ». Avec l’aide d’un prêtre, les fidèles sont invités à prendre conscience de leur situation devant Dieu et à suivre un parcours de discernement. S’appuyant sur l’exhortation de Jean Paul II Familiaris Consortio, le texte souligne en effet que les situations sont très différentes entre elles. Les divorcés remariés doivent être davantage intégrés dans les communautés chrétiennes en évitant tout motif de scandale. Leur participation peut s’exprimer dans différents services ecclésiaux : il faut donc discerner les formes d’exclusion actuellement pratiquées dans le domaine liturgique, pastoral, éducatif et institutionnel, qui pourront être surmontées. Cette intégration est nécessaire également pour l’éducation chrétienne des enfants. Pour la communauté chrétienne, prendre soin de ces personnes n’est pas un affaiblissement de sa foi et de son témoignage quant à l’indissolubilité du mariage.

Bien entendu, les nombreux fidèles qui ont fait l’expérience d’un échec conjugal seront invités à vérifier la validité de leur mariage. A propos justement des procès en nullité, à la lumière du récent Motu proprio du Pape François, le texte plaide en faveur de la formation de personnes compétentes, clercs et laïcs, qui se consacreraient en priorité à ce service ecclésial

Une invitation à défendre la vie

Le texte encourage les politiques chrétiens à s’engager en faveur de la promotion et de la défense de la vie et de la famille, de la liberté religieuse et du droit à l’objection de conscience. Il rejette de toute ses forces les interventions coercitives des États en faveur de la contraception, de la stérilisation et de l’avortement, et encourage la redécouverte de l’encyclique Humanae vitae du pape Paul VI, et le contrôle naturel des naissances.

Tout en encourageant la rencontre avec les cultures, il souligne que les chrétiens ne peuvent se soustraire au devoir de dénoncer les conditionnements culturels, sociaux, politiques et économiques.

En ce qui concerne les familles ayant parmi leurs membres des personnes à tendance homosexuelle, l’Église réaffirme que toute personne doit être respectée dans sa dignité. En revanche, elle se prononce résolument contre le mariage entre personnes de même sexe. Les pères du Synode jugent inacceptable que les Églises locales subissent des pressions dans ce domaine et que des organisations internationales conditionnent leur aide financière aux pays pauvres à l’introduction de lois instituant le mariage entre personnes de même sexe.

Romilda Ferrauto

Source : Radio Vatican du 24 octobre