Philippe Bordeyne, recteur de l’Institut catholique de Paris, qui a participé au synode comme
expert nommé par le pape François, analyse le texte adopté par les
représentants des épiscopats du monde entier samedi
24 octobre, à Rome.
Quels sont les traits principaux de ce texte ?
C’est un texte héritier de Vatican II. Il a une volonté
d’ouverture, mais aussi de s’inscrire dans une continuité. Il rappelle les
enseignements de Paul VI, de Jean-Paul II, de Benoît XVI.
En quoi réside l’ouverture ?
Un grand renouveau de la pastorale des familles. L’instrumentum
laboris [le texte de départ du synode] était très négatif. Dans le nouveau
texte on regarde ce qui, dans la société et dans les familles, est
encourageant.
J’y trouve aussi énormément d’ouvertures théologiques. Des
portes sont ouvertes un peu partout au long du texte. Il appelle la créativité
des théologiens, des communautés chrétiennes, des pasteurs. On voit se déployer un texte à la fois unifié et divers. Il admet
de la diversité en son sein.
La prise en compte de cette diversité interne à l’Eglise
n’est-elle pas une des nouveautés de ce synode ?
Absolument. Et c’est le fruit d’une méthode. C’est un texte qui
est divers car il y a des cultures diverses. Dans l’intégration des
amendements, on a essayé de suivre une ligne fondamentale : tenir celle que manifestement le pape souhaite, et en même
temps prendre en compte l’étendue de la diversité pour ne
pas heurter. Ouvrir et faire en sorte que tout le monde s’y retrouve. C’est une voie médiane.
C’est cette ligne médiane qui a été retenue pour les divorcés
remariés ?
Oui. Certains attendaient plus, d’autres moins. Par exemple un
amendement demandait que l’on dise clairement qu’un chemin de conversion
pouvait aboutir à l’eucharistie. On a fait le choix de ne pas le retenir.
Les changements dans l’église se font dans le respect de ce qui
vient avant. Il y a une référence très nette à l’enseignement de Jean-Paul II.
Il ne faut pas oublier que c’est lui qui, en 1980, dans son
exhortation apostolique Familiaris consortio, fait un changement considérable en
disant que les divorcés remariés sont membres à part entière de l’Eglise. Et
c’est sur cela, qui a été une nouveauté, que l’on s’appuie aujourd’hui. Mais on
va plus loin dans l’intégration. On s’appuie aussi sur les critères qu’il avait
énoncés pour que les prêtres puissent exercer leur « discernement » en
fonction des situations concrètes : ceux qui se sont « efforcés de sauver le premier mariage », « ont été
abandonnés injustement », ceux qui « se sont remariés en vue
de l’éducation des enfants ». Le texte s’appuie sur un socle. S’il ne
l’avait pas fait, on aurait été accusés de trahir Jean Paul II. Ce n’est pas le cas.
Propos recueillis par Cécile Chambaud
Source : Le Monde du 25 octobre