« Gloire à la Trinité et aux captifs la libération ! »
Ces quelques paroles, qui vont du cœur de Dieu à des réalités très humaines, ont valeur d’engagement. Ou plutôt elles constituent l’appel qui a été reçu, il y a plus de huit siècles, par cet homme devenu saint Jean de Matha et de Cerfroid. Cet homme a été saisi, comme l’apôtre Paul, par Jésus-Christ, le Rédempteur, et il a été associé à l’œuvre du Christ d’une manière spéciale : en vue de la libération des chrétiens prisonniers des Maures, en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Mais ce qui lui a été demandé, ce n’est pas de lancer une nouvelle croisade. Au contraire : c’est de renoncer à la guerre et de ne recourir qu’à la force de la miséricorde de Dieu, de Dieu, Père, Fils et Esprit Saint. De Dieu qui lui était apparu entre deux prisonniers, un chrétien et un musulman.
Et voilà comment a été fondé cet ordre dont le charisme est simple : il s’agit de pratiquer à la fois l’Adoration de Dieu Trinité et la Libération des Captifs. Et cette vocation, qui avait déjà été renouvelée au XVIIe siècle du côté de Valence, pour des jeunes filles pauvres, va maintenant se déployer ici, à partir de cette église saint Martial d’Angoulême.
C’est pour nous tous une grande joie, une joie profonde d’être aujourd’hui témoins de la naissance et de la reconnaissance de cette Fraternité trinitaire, désormais présente dans notre cité. C’est vraiment un don de Dieu, et d’autant plus donné qu’il est inespéré. Il y a un an, nous ne savions pas du tout ce qui allait se passer ici. Et puis voilà que, grâce à l’Esprit Saint et à ses relais humains, un chemin s’est ouvert, des concertations ont eu lieu, des explications ont été données et maintenant c’est comme un nouveau commencement qui s’accomplit parmi nous.
De tout cœur, merci à tous les membres de cette Fraternité trinitaire d’avoir répondu ensemble à l’appel venant du diocèse d’Angoulême.
Vous voilà parmi nous, simplement chargés d’assurer ici une présence priante et aimante. Je suis heureux, et même très heureux, de vous confier cette mission commune sous le signe de cette parabole si parlante du pharisien et du publicain.
Mais attention ! On risque toujours de travestir l’enseignement de Jésus en le réduisant à nos schémas préfabriqués. Il est si facile d’imaginer une opposition éclatante entre ce pharisien, qui serait riche et hypocrite et ce publicain, qui serait pauvre et pitoyable. Mais la réalité est assez différente : car, au temps de Jésus, les publicains étaient riches, puisqu’ils étaient les maîtres des impôts, alors que les pharisiens étaient des gens rigoureux et sérieux. L’essentiel est ailleurs et l’Évangile de Luc le souligne : Jésus pense à ces hommes « qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres ». L’essentiel, c’est que le pharisien s’interdit d’entrer en relation avec Dieu : il est enfermé en lui-même, il se met à part des autres, il les méprise. Le publicain, lui, comme le disait Péguy, « il mouille à la grâce de Dieu ». Il n’est pas blindé. Il est conscient de son péché. Il assume son péché et il sort de lui-même pour s’abandonner à Dieu. Et Dieu, alors, peut le saisir et le renouveler. Alors on comprend quel va-et-vient vital doit s’établir entre l’ouverture à Dieu et l’ouverture aux autres.
Car la libération des captifs passe aussi par la prière : ici, grâce à vous, près de vous, frères et sœurs de cette Fraternité trinitaire, des hommes et des femmes inconnus pourront faire halte, regarder, écouter, participer à l’adoration de Dieu et être ainsi, si peu que ce soit, libérés de ce qui les entrave. Et tous, ici, nous pourrons apprendre que l’adoration nous ouvre non seulement au mystère de Dieu, mais au mystère des autres, car lorsque nous passons par le cœur de Dieu, nous sortons, s’il le faut, de la haine de nous-mêmes et de la peur des autres qui nous habitent parfois, et les autres, nous ne pouvons plus les mépriser ou les regarder comme des menaces. Nous sommes libérés !
Que, grâce à vous, frères et sœurs, s’accomplisse ici, dans les mois et les années qui viennent, ce renouveau en profondeur dont nous avons tous besoin, et qu’il s’inscrive au cœur de notre ville, en ce lieu de passage, à partir de cette église saint Martial que je ne peux pas séparer de cet autre saint de chez nous qui s’appelait Cybard ! Lui aussi est venu d’ailleurs, au VIe siècle ! Lui aussi a choisi de demeurer ici pour prier ! Lui aussi a libéré des captifs ! Lui aussi doit jubiler ce soir, avec saint Jean de Matha, près du Christ Rédempteur, de l’Esprit Saint consolateur et du Père des cieux à qui nous devons votre présence et votre engagement !