Sa visite était très attendue. Le pape François a
appelé ce samedi le monde à répondre de manière "digne" à l'exode
migratoire enclenché en 2015, lors d'une visite à Lesbos dont les camps de
migrants témoignent du verrouillage croissant de l'Europe.
Peu avant son départ, le pape avait souligné
auprès des médias que son voyage était "marqué par la tristesse".
"Nous allons aussi à un cimetière, la mer" avait-il déclaré.
Douze réfugiés syriens dans l'avion
vers le Vatican
Douze réfugiés syriens, dont six mineurs, -
considérés comme "vulnérables" actuellement hébergées au camp ouvert
de Kara Tepe - accompagnent cet après-midi le pape François dans l'avion
qui le ramène de l'île grecque de Lesbos au Vatican, où ils seront hébergés, a
annoncé le Saint-Siège dans un communiqué.
Il s'agit de trois familles de confession
musulmane, deux originaires de Damas et l'autre de Deir Azzor, dans les
territoires occupés par l'organisation Etat islamique (EI), précise le Vatican.
Ces derniers ont été tirés au sort parmi
ceux arrivés avant le 20 mars, a précisé le gouvernement grec.
Une manière d'éviter une intervention trop
directement politique, alors que selon le porte-parole du Vatican, Federico
Lombardi, la visite à Lesbos est "strictement humanitaire et oecuménique,
pas politique".
Petit-fils d'immigrés italiens, le pape a
multiplié les prises de position fortes en faveur de l'accueil des réfugiés et
migrants, et s'était rendu quelques mois après son élection sur l'île italienne
de Lampedusa, alors principale porte d'entrée des migrants.
Il a appelé cet automne les paroisses du
continent à accueillir une famille de migrants, et refuse de faire la
différence établie par le droit international entre ceux qui fuient la violence
et la misère.
"Nous sommes tous des
migrants"
"Nous sommes tous des migrants", avait
auparavant lancé le pape, dans une prière commune avec le patriarche de
Constantinople Bartholomée et Ieronymos, l'archevêque orthodoxe d'Athènes et de
toute la Grèce, peu avant de conclure sa visite qualifiée
d'"historique" par le gouvernement grec.
Les trois prélats s'étaient immergé pendant
quelques heures dans le camp de Moria, symbole du durcissement européen en
cours.
Quelque 3.000 personnes, dont de nombreuses
femmes et enfants, y sont enfermées, vouées à l'expulsion car arrivées après le
20 mars, date d'entrée en vigueur de l'accord contre migratoire UE-Turquie.
"Vous n'êtes pas seuls [...] Ne perdez pas
espoir", leur a lancé François, soulignant leurs souffrances et
incertitudes face à "ce que l'avenir réserve".
"Puissent tous nos frères et soeurs de ce
continent, comme le Bon samaritain, vous venir en aide dans cet esprit de
fraternité, de solidarité et de respect pour la dignité humaine qui a marqué sa
longue histoire", a-t-il ajouté, dans une critique implicite des
dirigeants européens.
"Freedom" (liberté) a scandé leur
auditoire, qui les avait accueilli avec des pancartes "Help" (à
l'aide). "Bénissez moi", a sangloté un migrant en s'agenouillant
devant le pape.
"Le monde sera jugé sur la manière dont il
vous aura traité", a ajouté Mgr Bartholomée.
Avant un sobre déjeuner avec quelques réfugiés
dans le camp, les trois prélats ont aussi signé une déclaration commune appelant
le monde à faire preuve de "courage" face à cette "crise
humanitaire colossale", dans une rare manifestation d'unité entre
catholiques et orthodoxes.
Le Premier ministre de gauche grec, Alexis
Tsipras, avait pour sa part dénoncé en accueillant le pape "certains
partenaires européens qui au nom de l'Europe chrétienne ont élevé des
murs".
"Des gens" pas des
"numéros"
Il ne faut "jamais oublier que les migrants,
avant d'être des numéros, sont des personnes, des visages, des noms, des
histoires", a insisté le pape sur le port de Mytilène, le chef lieu de
l'île.
"Malheureusement, certains - parmi lesquels
beaucoup d'enfants - n'ont même pas réussi à arriver: ils ont perdu la vie en
mer, victimes de voyages inhumains et soumis aux brimades de lâches bourreaux",
a-t-il ajouté.
Il a aussi plaidé pour une lutte "avec
fermeté contre la prolifération et le trafic des armes".
Après une minute de silence, les dignitaires ont
chacun jeté à la mer une couronne de fleurs en mémoire des victimes des
traversées en Méditerranée.
Près de 400 noyés depuis le début de l'année
Depuis le début de l'année, 375 migrants, en
majorité des enfants, se sont noyés en tentant la traversée égéenne, s'ajoutant
à des centaines de victimes en 2015.
Sur le port de Mytilène, où une foule nombreuse
assistait à la cérémonie, quelques manifestants ont protesté contre les renvois
en Turquie, prévus y compris pour les demandeurs d'asile syriens. "Je
demande l'asile politique en Grèce", proclamait une pancarte.
Les tragédies en mer se sont toutefois raréfiées,
car depuis l'entrée en vigueur de l'accord UE-Turquie, les arrivées sur les
îles grecques sont passées à plusieurs dizaines par jours contre plusieurs
milliers cet été.
L'OBS avec AFP- 16 avril 2016