Dans un jardin
public de Tokyo, un homme un peu triste vendait sans succès ses dorayakis, des
gâteaux fourrés à la pâte de haricot rouge. Survint une vieille dame qui
proposa de faire cuire les haricots à sa façon. Et les dorayakis se vendirent
comme des petits pains. Jusqu’au jour où les mains rougies et déformées de
cette vieille dame, nommée Tokue, attirèrent l’attention des clients, qui se
mirent à la regarder comme une sorcière…
Cette adaptation
d’un roman de Durian Sukegawa ouvre un univers d’étonnants contrastes. Il y a
la douceur de Tokue, tendre comme ses gâteaux. Mais aussi la douleur secrète
qu’elle porte en elle et qui fait resurgir un passé tabou : l’époque où le
Japon condamnait à l’enfermement les malades de la lèpre. Chaque existence est
faite de blessures. Le vendeur de dorayakis en cache, lui aussi, plus banales,
mais non moins lourdes à porter.
Tout en menant ce
récit avec simplicité et candeur, Naomi Kawase (Still
the water) ne cesse d’y chercher matière à une élévation. Elle
reste ainsi fidèle à l’élan de spiritualité qui parcourt son cinéma, mais
trouve, à travers le personnage de Tokue, une manière plus émouvante d’exprimer
sa foi en des forces invisibles. La spécialiste des dorayakis n’a pas son
pareil pour recommander d’écouter ce que racontent les haricots rouges ou les
feuilles de cerisier. Elle ouvre un chemin vers la grâce et la possibilité de
surmonter les épreuves. Et Naomi Kawase nous fait, avec ferveur, passer d’une
recette de cuisine à une leçon de vie.
Critique lors de la
sortie en salle le 30/01/2016
Par
Frédéric Strauss de Télérama