lundi 16 décembre 2019




MESSAGE DU MINISTRE GENERAL
A LA FAMILLE TRINITAIRE
A L’OCCASION DE LA SOLENNITE 
DE ST JEAN DE MATHA
ET DE LA NATIVITE DE NOTRE SEIGNEUR

2019



Que mes salutations fraternelles et cordiales vous rejoignent, vous tous de la famille trinitaire.
Quelques mois se sont écoulés depuis la fin du Chapitre Général, vécu comme un moment de grâce et de coresponsabilité.  Nous avons pu toucher concrètement la richesse et la profondeur de notre charisme qui continue d’inspirer l’engagement généreux des membres de la Famille Trinitaire dans des contextes sociaux et culturels différents. Nous avons ressenti fortement le besoin de conversion et de renouveau dont le Chapitre s’est fait l’interprète. Reviennent souvent à ma mémoire les paroles précises du card. Joao Braz de Aviz adressées aux capitulaires : il nous invitait à être courageux et généreux dans ce chemin de conversion personnelle et communautaire. Il nous disait : « Il n’y a pas de christianisme sans vie communautaire : le solitaire risque de confondre sa propre voix avec la voix de Dieu ». La vie fraternelle, avec ses difficultés et ses fatigues à assumer, est l’unique garantie de fidélité à l’Evangile et au charisme de St Jean de Matha. Ceci est le lieu où Dieu nous parle, nous rencontre, nous invite à sortir de nous-même, de nos égoïsmes et de nos peurs car seul celui qui sort de lui-même se retrouve lui-même.
Le Chapitre Général nous a confié une grande tâche : celle d’écouter, d’accueillir, de rejoindre et d’accompagner les jeunes. Je voudrais m’arrêter sur chacun de ces verbes.
Ecouter : l’écoute demande du temps, de la patience, de la disponibilité. Nous devons apprendre à écouter, non seulement les jeunes et leurs besoins, leurs attentes et leur espérance mais aussi ce que Dieu veut nous dire par eux. Nous trinitaires, devons assumer les dynamismes de la jeunesse pour être fidèles à notre vocation : ce sont les dynamismes du risque, du courage, de l’ouverture, de la confiance et de l’espérance. Des jeunes, nous recevons l’appel à être prophètes et non des gardiens, des rêveurs et non des nostalgiques, audacieux et passionnés et non tristes et découragés. 
Accueillir : les jeunes demandent à ne pas être jugés mais à être aimés comme ils sont. Nous devons leur donner un « principe de confiance ». Pour cela, nous devons apprendre à distinguer nos idées sur les jeunes et la réalité des jeunes afin d’entrer en empathie avec les jeunes réels et non avec les préjugés négatifs alimentés par les nombreuses analyses (presque toujours négatives) concernant le monde juvénile. Les jeunes ne sont pas une statistique. Faire la liste des problèmes et des défauts des jeunes n’aide personne. Nous sommes appelés à être des guides et des points de référence pour les jeunes qui demandent avec force des adultes crédibles, des témoins authentiques et courageux. Le Pape François nous a même suggéré de partager avec les jeunes nos espaces et notre temps. Il nous a lancé un défi par ces mots : « Ouvrez vos maisons et vos communautés aux jeunes pour qu’ils puissent partager votre prière et votre fraternité, mais surtout ouvrez votre cœur ». C’est un beau défi que nous devons transformer en expérience concrète.
Rejoindre : nous ne pouvons nous contenter des jeunes qui viennent à nous, qui fréquentent nos paroisses, nos écoles ou qui collaborent à nos activités. Nous devons porter une attention particulière aux jeunes pauvres et abandonnés : la culture du déchet fait beaucoup de victimes dans le monde des jeunes. Nous sommes appelés à être proches et à soutenir les jeunes mal à l’aise et marginalisés. Notre charisme nous demande de nous tenir à côté des jeunes pour les aider à trouver ou retrouver dans leur vie les espaces authentiques de liberté. Il me plaît de penser que les deux esclaves de notre mosaïque représentent deux jeunes. Combien de jeunes ont perdu leur liberté et ont besoin d’être aidés pour reprendre en main leur vie et construire leur avenir.
Accompagner : nous sommes appelés à être des compagnons de voyage suscitant chez les jeunes le désir d’une vie pleine.  Nous devons les aider à prendre conscience de la présence de Dieu dans leur vie. Le Seigneur ne les abandonne pas, il chemine avec eux, même quand leurs yeux sont incapables de le reconnaître. Nous sommes appelés à « réveiller » les jeunes à la présence de Dieu. Pour faire cela, nous devons nous-même d’abord, comme nous a dit le pape François, rester éveillés.
La pastorale des jeunes ne peut être une stratégie de survie mais un service que nous offrons aux jeunes pour les aider à vivre la foi comme un don reçu qui nous transforme en don pour les autres. Je suis convaincu que notre charisme a beaucoup à offrir aux jeunes, qu’il parle leur langage, qu’il partage leur passion pour la liberté et pour la dignité de la personne, qu’il encourage le désir d’un monde plus juste et plus fraternel. Je souhaite que les propositions exprimées par le Chapitre Général ne restent pas sur papier mais qu’elles se transforment en initiatives concrètes dans lesquelles nous serons tous impliqués.

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Nous nous préparons à célébrer la solennité de notre fondateur St Jean de Matha et le mystère de l’incarnation de Jésus dans les célébrations de Noël. Comme les mages guidés par l’étoile, mettons-nous en route pour rencontrer le Verbe fait chair. Notre étoile est la Règle Trinitaire actualisée par les Constitutions, par le Directoire Général et pour les laïcs, par le Projet de vie du Laïcat Trinitaire. Il est opportun en ce temps de l’Avent de méditer ces textes fondamentaux qui traduisent le charisme en programme concret. 
Tous les personnages qui composent la scène de Noël sont présentés en mouvement par les évangélistes, comme Joseph et Marie qui se rendaient à Bethleem pour le recensement, comme les bergers qui, ayant entendu l’annonce des anges, décidèrent d’aller jusqu’à la grotte pour « voir ce que le Seigneur leur avait fait connaître » (Luc 2, 15), comme les mages qui partirent de loin guidés par une étoile. Pour rencontrer Jésus, il faut se mettre en marche. Nous Trinitaires, sommes appelés à cheminer ensemble. La communion fraternelle est la plus grande œuvre que le Seigneur nous demande d’accomplir. La « coresponsabilité » est un style de vie que nous devons toujours plus voir mûrir. Se sentir pleinement responsable de la vie et de la croissance de nos communautés signifie être disponibles et généreux en offrant notre participation afin que la communion croisse.  Avant le « faire pour » vient « l’être avec ». Cheminer ensemble signifie non seulement de regarder en avant mais aussi de regarder autour de nous afin que personne ne reste en arrière. Cela signifie de faire siennes les fragilités et la fatigue de son frère, l’aidant quand la tentation est forte d’abandonner le chemin, de renouveler l’enthousiasme de vivre à fond sa vocation trinitaire.
 Quelle direction donner à notre chemin ? Le pape François avec des mots profonds et efficaces a répondu à cette question : « Marcher : oui, mais vers où? Sur la base de ce que j’ai dit, je suggérerai un double mouvement : en entrée et en sortie. En entrée, pour nous diriger constamment au centre, pour nous reconnaître sarments greffés sur l’unique vigne qui est Jésus (cf. Jn 15, 1-8). Nous ne porterons pas de fruit sans nous aider mutuellement à rester unis à Lui. En sortie, vers les multiples périphéries existentielles d’aujourd’hui, pour porter ensemble la grâce guérissante de l’Evangile à l’humanité souffrante.».Nous devons sans cesse tenir compte de ce double mouvement pour être de vrais disciples-missionnaires de l’Evangile. Nous ne pouvons être missionnaires si nous ne demeurons pas des disciples. Nous ne pouvons être de vrais disciples si nous nous refermons sur nous-mêmes et cultivons nos propres intérêts. Ces deux dimensions sont bien représentées sur la mosaïque de St Thomas in Formis. Le Christ est toujours le centre de notre vie. Par lui, nous sommes libérés des tentations autoréférentielles et de l’individualisme. Nous devons chercher, dans notre vie personnelle et communautaire, ce jute équilibre pour être contemplatives et actifs en même temps. La prière donnera à l’action apostolique cette efficacité et ces fruits que nos forces ne peuvent atteindre.  L’engagement concret permettra à notre prière de s’ouvrir aux besoins du monde. 
Notre mosaïque nous enseigne aussi que le Christ ne peut être séparé des pauvres et des esclaves. Le pape François nous rappelle souvent que les pauvres sont la chair du Christ, le visage de Jésus. St Laurent définissait les pauvres comme le vrai trésor de l’Eglise. De même, notre Réformateur considérait les pauvres comme le patrimoine que Dieu a laissé à l’Ordre Trinitaire. Il écrivait, en effet : « Quelle immense richesse que d’avoir en propre les esclaves et les pauvres ! Quel meilleur ornement et beauté que la souffrance et les fatigues des pauvres car, étant Dieu, il a plu au Christ de les revêtir de sa personne ».

En revenant à la mosaïque, un détail m’a toujours interpelé : le regard du Christ. En tournant son regard vers l’esclave, il nous demande de diriger notre regard et nos soins vers les nombreux esclaves d’aujourd’hui, invisibles aux yeux du monde. Il demande de faire nôtre son regard vers les pauvres. St Jean de Matha a bien compris que la pire forme de pauvreté est la pauvreté du regard, c’est-à-dire l’indifférence. A l’exemple du Christ que nous contemplons pauvre dans la grotte de Bethleem, avançons unis aux pauvres et aux esclaves, ne les perdant jamais de vue car, comme disait St Jean-Baptiste de la Conception : « Qui perd le pauvre, avance comme perdu ».
En ce temps de grâce, notre pensée et notre prière se dirigent surtout vers nos frères chrétiens qui souffrent en bien des endroits à cause de leur foi. Les différents rapports sur les chrétiens persécutés nous disent que ce phénomène croît d’une année sur l’autre et que la liste des pays où les chrétiens sont discriminés s’allonge toujours plus. Que notre prière unie à leurs souffrances devienne invocation de paix et de fraternité pour le monde entier. 
Que Noël soit pour tous source d’espérance afin que la nuit de la douleur soit illuminée par la lumière du Christ venu dans le monde pour sauver tout l’homme et tout homme. Que vous rejoignent mes vœux les plus sincères et ma bénédiction.

Rome, le 1er décembre 2019
Premier dimanche de l’Avent

Fr. Luigi Buccarello, osst
Ministre Général