Ce premier septembre, trois
quarts d'heure en tête à tête avec le pape François, à la résidence
Sainte-Marthe… À la sortie de cet entretien incroyable, Mgr Jacques Gaillot ne pouvait
cacher son émotion. « C'est quelqu'un qui m'a donné une belle leçon de
simplicité, de liberté, nous a confié l'évêque. Il ne juge pas, il ne recadre
pas. Cette conversation m'encourage. »
L'ambiance
de cette rencontre au Vatican avait, comme souvent avec François, un côté presque surréaliste. « Nous
attendions dans un salon de la résidence Sainte-Marthe, raconte le père Daniel
Duigou, qui accompagnait Mgr Gaillot. On se disait que quelqu'un viendrait nous
chercher pour nous accompagner dans les bureaux du pape. Et soudain, la porte
s'est ouverte, et c'est le pape lui-même, seul, qui est apparu. »
Les trois
hommes se retrouvent ainsi à deviser, le plus simplement du monde, « sans
aucune distance, aucun protocole, aucun apparat ». « Le pape a cherché du
regard autour de lui un siège pour s'asseoir, poursuit Daniel Duigou. Puis il
s'est adressé à Jacques et lui a dit : Nous sommes frères. »
Un signe
miséricordieux que le bientôt octogénaire Mgr Gaillot (il fêtera son
anniversaire dans dix jours), destitué en 1995 de son diocèse d'Évreux pour ses
positions iconoclastes et son activisme médiatique, attendait de
« son » Église depuis vingt ans.
« Les migrants sont la chair de l'Église »
Les trois
hommes se sont mis à « discuter à bâtons rompus pendant trois quarts d'heure en
abordant tous les sujets les uns après les autres, dans un climat vraiment
étonnant, témoigne l'ancien journaliste Daniel Duigou. François écoutait, le
regard très vif, on sentait qu'il collait aux propos. Il s'est excusé de
son mauvais français ».
C'est
surtout Mgr Gaillot qui parlait. « Je lui ai dit, raconte l'évêque de
Partenia (un diocèse disparu au Ve siècle), qu'il m'arrivait de bénir des
couples divorcés-remariés et même des couples homosexuels. J'ai ajouté : On
bénit bien des maisons, on peut donc bénir des personnes. Cette phrase a
fait sourire le pape. Il a abondé dans mon sens et il a dit : La bénédiction
de Dieu est pour tout le monde. »
Quand est
arrivée la question des migrants, pour lesquels les deux prêtres se battent
depuis des années, François a lâché : « Les migrants sont la chair de
l'Église. »
De cet
entretien, Mgr Gaillot retient un message de grande liberté. « Le pape
nous a répété ce qu'il avait dit aux cardinaux, rapporte l'évêque, à savoir que
le Christ frappe à la porte, de l'intérieur, pour qu'on ouvre l'Église. Il ne
faut pas enfermer celui qui nous a libérés. »
Source : Journal "Le Point" du 1er septembre